Ca fait un petit moment que ce sujet me trotte dans la tête. J’aime bien tenter d’analyser tout ce qui se passe et décortiquer comment les choses fonctionnent. Donc je crée ce sujet afin qu’on puisse débattre d’un aspect de la conduite d’un snowboard que je trouve souvent sous-estimé, au moins dans la méthode de l’ESF qui ne l’aborde même pas en tant que tel : le contrôle de la torsion.
Certain vont trouver que je me prends la tête pour pas grand-chose. Et ils auront raison ! Le but du snowboard, c’est de s’amuser. Le but de cette discussion aussi d’ailleurs. Croyez le ou non, mais ça amuse certains (dont moi) de chercher des explications techniques à ce qu’il se passe. Donc bon, si ça vous prend la tête, dites vous que personne n’est obligé de lire ça ou de participer à cette discussion. Si ça vous amuse, bienvenu parmi les détraqués analytiques
Bon alors par où je commence ? Et bien avant de parler de torsion, je pense qu’il faut parler du lien entre accroche et inclinaison de la board sur la carre. Prenons l’exemple le plus simple possible : vous êtes à l’arrêt, board perpendiculaire à la ligne de pente, sur une piste bleue suffisamment pentue. Inclinez légèrement moins votre board, et vous commencez à dérapper vers le bas de la piste. Inclinez plus et vous vous arrêtez. Simple non ? Mais pas de torsion jusque là.
Dans la suite, on va partir du principe que vous êtes réglé en léger duckstance (du genre -3 à -15 au pied arrière). Pourquoi ? Parce que c’est plus simple à expliquer pour moi qui ne ride plus en positif arrière depuis plusieurs années. Je laisserai donc le soin à ceux qui rident en positif de compléter s’ils le souhaitent.
La torsion, c’est la déformation de la board qui permet à une zone de la carre d’être plus ou moins inclinée qu’une autre zone.
En snowboard, contrairement au ski, on a deux pieds sur la planche, à plusieurs dizaines de centimètres l’un de l’autre. Cela permet de forcer la torsion et donc de différentier l’inclinaison d’un pied par rapport à l’autre, ou au contraire d’empêcher la planche de se tordre entre les pieds et donc de forcer la planche à être inclinée de la même même façon pied gauche et pied droit.
Revenons à notre exemple à l’arrêt. Maintenant, essayez de forcer la planche à se tordre de manière à ce que le pied droit ait moins d’inclinaison par rapport à la neige que le pied gauche. Que se passe-t-il ? Le pied droit veut passer devant et vous commencez à glisser! On inverse alors et cette fois la board freine, le pied gauche passe devant et on glisse dans l’autre sens. Bravo, vous savez faire la feuille morte en appui deux pieds.
On va donc passer en conduite glissée à vitesse moyenne. Vous êtes sur un virage légèrement glissé, et vous allez relâcher un peu de la pression sur la carre au pied avant, non pas en mettant du poids sur l’arrière, mais en tordant la planche pour que le pied avant soit à plat sur la neige alors que le pied arrière conserve de l’angle de carre. Il se passe plusieurs choses à ce moment là :
1° l’avant est libre de glisser
2° l’arrière ne dérape plus et donc la planche s’oriente parfaitement dans la même direction que la vitesse, ce qui est la bonne position pour changer de carre sans faire de faute du même nom. Il n’y a plus qu’à appuyer sur l’autre carre pour passer en douceur au virage suivant, dans lequel le pied avant qui a plus d’angle par rapport à la neige mord plus vite, ce qui déclenche le virage glissé.
La question suivante, c’est comment agir sur la torsion. On peut le faire en forçant sur les chevilles ou les orteils ou encore le spoiler. Mais on peu aussi remarquer que tourner le bassin pour l’orienter vers l’avant quand on est sur la carre orteil va naturellement :
1° provoquer une pression du mollet contre le spoiler avant
2° libérer la pression pied arrière sur le spoiler et placer ce pied dans une position favorable pour qu’une poussée sur les orteils (et donc sur la carre orteil pied arrière) maintienne la prise de carre de l’arrière de la planche.
Quand on est sur la carre talon, orienter le bassin plus vers l’arrière va :
1° libérer la pression du mollet avant sur le spoiler et permettre d’appuyer sur les orteils
2° garder le mollet arrière en contact avec le spoiler.
Après, il faut garder à l’esprit qu’orienter le regard où on veut aller va par réflexe provoquer une orientation des épaules qui va elle-même toujours par réflexe orienter le bassin, ce qui explique que ce que l’ESF enseigne puisse tout de même fonctionner. Mais il me semble utile de comprendre les mécanismes de torsion, parce qu’il est possible de combattre ces réflexes. Ce n’est pas toujours indispensable, mais agir directement au plus près de la board (donc en pensant directement torsion) peut permettre d’être plus rapide en réaction que de faire partir le geste des yeux voir des épaules. Ce n’est certes pas nécessaire pour enchainer les grandes courbes sur piste parfaitement damée, mais pour réagir à une irrégularité de terrain ou pour se placer au millimètre avant de monter sur un gros rail sketchy…
En carving, c’est beaucoup plus subil : lorsqu’on déforme trop la planche en torsion, on risque soit de perdre de l’accroche sur l’un des pieds, soit de déformer tellement que la carre se retrouve avec un rayon global qui n’est plus du tout un arc de cercle, et qui donc va forcément sortir de la tranchée créée par la partie avant de la planche.
Ainsi, une contre-rotation (par exemple vous avez le bassin qui reste verrouillé orienté vers le bas de la piste) va avoir tendance à mettre plus d’inclinaison de carre au pied arrière, et l’avant ne mordra plus suffisamment, ce qui provoque un élargissement de la trajectoire. Certes, on ne passe pas en dérapage puisque l’arrière reste ancré, mais on n’est déjà plus dans un carving bien propre et il est impossible de « boucler » son virage. On peut en revanche passer facilement sur l’autre carre, mais sans passer par la phase où on « ride la carre aval », qui est une composante essentielle d’un vrai bel enchainement en carving. En soft boots et en duckstance, ce type de défaut est très fréquent sur les virages carre orteils.
Une sur-rotation du bassin voir en duck stance prononcé une position trop avancée du genou arrière sur virage carre talon va tordre la planche de manière à avoir le pied avant qui a du grip, mais le pied arrière plus du tout. On risque alors le survirage. C’est le défaut le plus fréquent sur les virages carvés carre talon pour les softbooteux en duckstance.
Pour corriger ces problèmes, il est possible de se procurer des boards très rigides en torsion. C’est un choix, mais ça rend les conduites glissées plus délicates techniquement et physiques (il faut rider plus dynamique et plus forcer les changements de carre).
Il est aussi possible de prendre conscience de ce que fait la board en torsion et de limiter le phénomène en adaptant sa technique. En revanche, le problème du virage carre talon qui dérape, le seul moyen de le corriger avec un très gros duckstance, c’est de constamment rider avec le genou arrière orienté vers l’arrière, ce qui peut paraître peu esthétique à certains (on appelle ça la position « assis sur les toilettes »). Mais là encore c’est un choix. Perso je préfère encore rider sur un angle faiblement négatif au pied arrière qui limite un peu le problème. D’autres préfèrent rider en positif derrière, ce qui permet d’avancer le genou arrière autant qu’on le souhaite sur la carre talon et rend plus naturel le fait de rester suffisamment en rotation du bassin sur la carre orteil. Question de choix, mais il me semble plus simple et naturel de forcer la torsion quand on en a besoin (donc en conduite glissée) avec un léger duck.
Bref voilà, j’ai exposé à peu près comment je vois ça, et je suis pas mal intéressé pour voir ce que vous pensez de ça, s’il y a des trucs auxquels j’aurais pas pensé (parceque je suis convaincu que j’ai pas fini d’apprendre).